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Depuis le 20 janvier et jusqu’au 20 mars, tous les lycéens doivent formuler leurs vœux d’orientation. Parmi les sept élèves-

Maxime a préféré quitter le projet - de la Terminale S du lycée Kastler que nous suivons à Denain depuis la rentrée, certains hésitent encore, d’autres ont changé d’avis. Nous les avons réunis

autour d’un kebab pour en discuter.

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EMELINE

La semaine de bac blanc, c’est le 14 mars. Mais Emeline bûche déjà : du par cœur pour l’histoire-géo, des exercices pour les maths, lectures pour la philo… Pas un sacrifice, pas un faux pas pour notre studieuse jeune fille. « Si j’ai mention Assez bien, je serai dégoûtée. » Elle visualise plutôt un «Bien» orner le diplôme, histoire de « ne pas être déçue si ce n’est pas Très bien ». La pression est là, toujours. Croissante ? « On commence à s’y habituer. » Mais le décompte de jours avant le bac de certains profs n’aide pas. « Forcément, le bac, on ne fait qu’y penser. Depuis qu’on a trois ans on nous dit un jour, tu passeras le bac. » Exceller, pas seulement pour le diplôme. Pour la suite. Là encore, pas d’hésitation. Ce sera la première année commune aux études de santé (PACES), à Lille. Même si, en septembre, elle n’aura que 16 ans : « Ma mère m’émancipera peut-être à 17 ans. Mais pour la première année, je prendrai le train. » Rœulx – Lille, matin et soir. Avec Kevin, bien entendu, qui envisage la même formation. « Mais certains ont cours le matin, d’autres l’après-midi…» Objectif diplôme d’État de docteur en pharmacie. Le cursus long, celui de 9 ans qui permet de se spécialiser dans la recherche. « La santé est injuste. Je veux trouver les moyens d’aider ceux qui en ont besoin. » Ce parrain atteint d’une grave maladie, en 2010, aujourd’hui dans un fauteuil roulant; ou cette fille d’une amie de sa mère, 13 ans et victime de la mucoviscidose… « Il y a forcément quelque chose qui vous déclenche l’envie de travailler dans ce domaine. »

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françois

Sale temps pour le jardin. Fraîcheur, redoux et paf, gelée… Tchao les bananiers du Cap-Vert. Une météo

« catastrophique » pour le (précieux) carré de verdure de François. Autant tout miser sur les deux cents bulbes qui devraient fleurir dès février, même « s’ils ont pris trop d’avance ». Comme d’hab, le jeune homme est bien plus loquace sur cette passion dévorante que sur sa dernière année scolaire. François, ce désinvolte ( de façade ? ). Ses camarades « visent » les mentions Très bien ou Bien pour leur laissez-passer? « Moi, je vise le bac. » Point final. « Je ne stresse pas. On m’a dit que, de toute manière, le bac était l’épreuve la plus simple de la vie. » Et après ? Le jeune homme nous avait déjà confié ses projets d’architecte paysagiste, voire d’infirmier ou, pourquoi pas, d’une année sabbatique en Espagne. Aujourd’hui, contraint de livrer ses vœux et priorités, il balaie le podium. On découvre d’abord le souhait – un nouveau venu et directement en première position – de devenir « intendant en lycée », suivi

« d’infirmier en libéral », devant un projet d’architecte paysagiste rétrogradé en queue de cortège, juste avant la licence de SVT. Ah si, il y a aussi l’option « épouser une baronne », sourit-il. « Pourquoi je ne mets plus la priorité sur l’architecte paysagiste ? J’ai peur de finir à faire des ronds-points à Denain. Du coup, ça me tente moins… »

Oui mais bon, rien n’est arrêté. François, force tranquille, se dit qu’il a encore bien le temps d’y penser: « Bien sûr, ça peut encore bouger ».

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Alexandre

Décidément la vie d’Alexandre a beaucoup changé. Lui, il reste le sportif qui ne tient pas en place, qui rigole toutes les deux secondes et multiplie les vannes. Mais il suffit de s’asseoir à ses côtés un petit quart d’heure sur un banc et là on retrouve l’ado réfléchi et sincère découvert à la rentrée. Sa vie, donc, a changé. En plus de l’ultimate fight, il s’est inscrit à un club de pancrace, a repris le judo. Et, surtout, il travaille au Décathlon de Rouvignies 14 h par semaine, payées un peu plus que le SMIC horaire : « Je suis en réception des colis, on les met dans l’entrepôt. J’aime beaucoup, il y a pas mal d’étudiants dont certains que je connaissais déjà. » Il garde l’argent pour l’année prochaine, quand il sera étudiant en fac de sports et en dépense un peu pour sortir avec ses potes au cinéma ou au bowling: « J’adore être indépendant pour mon argent de poche. Pendant les vacances, j’ai bossé quatre jours par semaine et c’était vraiment bien; j’étais dégoûté de reprendre le lycée. » Parce que décidément Alexandre ne saisit pas le sens de ces cours où l’on doit rester assis pendant des heures : « Quand je bosse, c’est pour quelque chose, je gagne de l’argent. Là j’écoute un programme que je connais déjà... Et puis à quoi ça va me servir dans mon futur métier de maîtriser les intégrales ? » Il s’ennuie un peu aussi au milieu de cette classe studieuse : « Personne ne parle en cours... Quand les élèves de S.I. arrivent, on rigole plus ! ». 

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Enzo

Enzo, c’est le mec qui fait rire toute la table, qui a toujours une histoire à raconter et qui adore taquiner Jade. D’ailleurs, il forme un bon duo avec lui qui la houspille et elle qui ne se laisse pas faire. De grands amis, toujours assis à côté, qui se réconcilient pour mieux se disputer. Enzo c’est l’ado qui se plaint d’être célibataire tout en sous-entendant qu’il est amoureux. Un gars drôle, enjoué, sensible. Mais c’est aussi une bête de travail. Et là, ça rigole beaucoup moins. Il ne sort presque pas, s’accorde quelques heures de cours de guitare, bosse comme un fou, en cours et à l’internat. « Je veux faire médecine, c’est décidé et la première année demande de la rigueur et de l’excellence.

Il faut que j’arrive en ayant déjà le rythme sinon ça ne marchera pas. » C’est un peu étonnant cette gravité chez un ado si jeune; il n’a que 16 ans après tout : « On est des ados-adultes. Moi j’ai vu dans mon entourage que la vie n’était pas facile. Après, j’essaie de faire des trucs intéressants à côté. J’ai fait de l’air soft la semaine dernière, il faut quand même sortir aussi. » Plus à l’aise à l’internat avec un règlement assoupli -« Ils ne nous prennent plus nos portables à 19h, c’était n’importe quoi, on a fini par refuser de le faire. » - il regrette cependant de ne pas rentrer plus souvent chez lui, pour voir ses petits frères : « C’était chargé la semaine dernière particulièrement... » Parce qu’il révise pour le code aussi: « J’espère que je vais l’avoir la première fois, sinon c’est la honte ! »

Jade

Pétillante, Jade est la cible favorite des garçons du groupe. Entre deux rires, elle confirme qu’elle a pris Hypokhâgne B/L (maths et sciences sociales) à Douai comme premier choix : « Je préfère un lycée proche et puis j’ai peur qu’à Lille, ce soit trop la compèt. J’en ai parlé avec ma sœur qui a fait la même prépa et on est tombées d’accord. » Ensuite, elle vise Sciences Po Paris : « Enfin, si j’y arrive. » C’est la seule à en douter. 

Charles

Discret et à l’écoute lors du repas, Charles est pourtant affirmé à chaque fois qu’il prend la parole. Et il fait toujours preuve de cohérence ; depuis le départ, il s’est rarement contredit. D’ailleurs pour son orientation, il n’a pas dévié d’un iota : il souhaite faire l’ENSIAM de Valenciennes afin d’être formé à la robotique.

Kévin

Une vingtaine de jours et pour Kevin,

ce sera la majorité. Le jeune homme vient

de décrocher son code, suivra le permis, bientôt. Pour le footeux reconverti élève studieux, objectif pharmacie et recherche et, comme sa « coach », Émeline, une PACES à Lille. Et s’il ne fait pas partie des 3000 étudiants – au niveau national – qui intégreront la première année de médecine ? Les sciences, à l’université. Mais il ne préfère pas l’envisager.

TEXTES

Sophie FILIPPI-PAOLI et Pierre ROUANET

 

PHOTOGRAPHIES

Séverine Courbe

 

MISE EN PAGE

Quentin DESRUMAUX

 

REDACTION EN CHEF

Jean-Michel BRETONNIER

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